Résumé (FR)

Comprendre les processus d’engagement ou les pratiques militantes implique de prendre en compte l’environnement politique et social dans lequel les acteurs évoluent. Cela apparaît d’autant plus crucial lorsque cet environnement est peu propice à l’action collective et que l’analyse porte sur des mouvements contestataires. Au-delà, l’étude du cas algérien incite à se demander dans quelle mesure les conditions de possibilité de l’action politique peuvent également influer les comportements des militants au sein même de leur organisation. Dans cette perspective, nous émettons l’hypothèse que le contexte autoritaire algérien favorise la prédominance de la loyauté au sein des partis d’opposition. Articuler les parcours individuels aux contextes nous aidera à saisir les soubassements des choix que font les acteurs lorsqu’ils désapprouvent une décision prise par les dirigeants ou une nouvelle orientation du parti. En effet, c’est une combinaison contexte autoritaire/statut d’opposant qui semble pouvoir éclairer la marginalisation de la prise de parole et de la défection comme moyens d’exprimer son mécontentement. En ce qu’il rend l’engagement et le militantisme coûteux, le contexte algérien tend à renforcer, de façon indirecte, la cohésion et les convictions des militants, et par conséquent leur loyauté. A cet égard, il doit être considéré autant comme le cadre dans lequel se construit la loyauté que comme un facteur qui la favorise. La répression et le contrôle policier représentent des freins concrets à l’action du parti, au militantisme de ses membres et à la mobilisation. Cependant, si cela est mis en avant par les enquêtés, la plupart d’entre eux en profitent pour réaffirmer et justifier le bien-fondé de leur engagement. Ainsi, être militant de l’opposition requiert une implication maximum et une cohésion à toute épreuve pour faire face au pouvoir en place ; ce qui tend à discréditer tout autre type de comportement. En effet, il ressort des entretiens une constante sur les questions traitant des contestations internes et des défections : la mise en avant de la fidélité au parti. La défection, bien qu’évoquée, est déplorée et vivement critiquée par les militants, voire interprétée comme une désertion. De même, certains évoquent des désaccords survenus entre les membres mais tendent soit à les minimiser, soit à les stigmatiser. Si débats et discussions rythment la vie des différents partis, la prise de parole exprimant un mécontentement profond est le plus souvent mal perçue, étouffée. Attribué à des agents infiltrés ou considéré comme l’expression d’intérêts personnels, ce type de réaction va – d’après les enquêtés – à l’encontre du parti. Quelle marge de manœuvre reste-t-il aux militants pour protester ou faire défection ? Une enquête auprès des désengagés nous aidera à comprendre dans quelle mesure le loyalisme freine la défection en la rendant coûteuse mais ne favorise pas pour autant la prise de parole.